Un étudiant français en Estonie
ou mon épopée estonienne (Août 2018 — Janvier 2019)
Dans le cadre de mes études, j’ai passé 5 mois à Tallinn, Estonie. Durant cette période, j’y ai expérimenté “l’e-estonia” dont j’avais tant entendu parlé en tant qu’étudiant dans le numérique et j’ai été bluffé.
Dans ce post, je souhaiterais partager mon expérience et expliquer pourquoi selon moi il s’agit DU pays avant-gardiste de la société digitale.
Un point sur l’Estonie / Üks punkt Eestist
Mais avant tout, faisons un point rapidement sur ce petit pays d’Europe du Nord.
à 3h d’avion de Paris, au contact de la grande Russie, face à la Finlande et dans un coin de la Baltique, ce pays si petit par sa taille (14 fois plus petit que la France), si peu peuplé (50 fois moins peuplé que la France avec 1.3M d’habitant et une population qui diminue) a été au coeur des batailles d’influence des grandes nations bordant la baltique.
Point stratégique, l’Estonie fût sous domination des populations finnoises, puis teutonnes, puis Suédoise avec une petite interlude avec la ligue hanséatique, puis Russe avant de devenir pour la première fois un état indépendant à la sortie de première guerre mondiale et la libération par l’Allemagne impériale le 24 février 2018 (Eesti Vabariigi aastapäev). S’en suivie une guerre de libération contre la toute jeune armée soviétique jusqu’en 1920. A cette date, les estoniens deviennent parfaitement souverain pour la première fois de leur histoire avec la première république estonienne (toujours d’actualité).
2 personnages se démarquent pendant cette période, Konstantin Päts et Jaan Tõnisson qui se partage le pouvoir dans le pays avant la grande guerre à venir. Cette période est relativement stable mais la grande dépression des années 30’s va précipité le pays dans une instabilité avec l’émergence de groupe socialistes et de groupe de vétérans conservateurs…
En 1939, la guerre est déclarée, rapidement l’armée soviétique met en application les clauses du pacte germano-soviétique, signé un an plus tôt, et envahie la Pologne mais aussi… les pays baltes, l’Estonie en premier lieu! Avec l’avancée allemande, les estoniens voient par le reich leur libération du soviétisme, c’est ainsi que les estoniens (ainsi que les autres peuples baltes) se rangent du côté des allemands et “libèrent” l’Estland de l’armée rouge. C’est une partie de l’Histoire qui est peut connue, celle de la collaboration massive des estoniens avec le libérateur germanique. Ainsi, les communistes et juifs ont été fortement persécutés. On peut retrouver en face de la prison principale de Tallinn cette plaque,
rendant hommage à des déportés juifs français à Reval (nom de Tallinn sous l’occupation et le règne Teuton) “stocké” avant leur extermination.
En 1945 le pays est intégré à l’Union Soviétique en tant que République Socialiste Soviétique d’Estonie. Il est à noter que pour les estoniens et l’histoire officiel, le pays n’a pas perdu son indépendance pendant cette période, il a seulement été occupé comme aujourd’hui nous disons “France occupée” pour la France entre 1942 et 1944 à la différence que cette occupation a duré près de 50 ans, soit la moitié de l’existence de la république.
Je fais fis de la période soviétique (qui est pourtant la plus intéressante selon moi pour comprendre le pays d’aujourd’hui) pour parler de l’après. En 1986, la RSS Estonie acquiert plus de droit de gestion avec les politiques de Glasnost et de Perestroïka de Gorbatchev. En 1989, c’est la chute du mur de Berlin et avec lui de nombreuse république socialiste avec elles celles de la baltique. En 1991, un évènement qui est nommé la “singing revolution” (Un très bon film du même nom a été réalisé à ce sujet) va mettre à bas l’emprise des soviétiques sur les états de la Baltique et enfin l’Estonie redevient complètement souveraine en 1992 (les derniers blindés russe quittent le pays en Août 1994).
L’histoire moderne de l’Estonie peut désormais commencer. Les estoniens savent qu’ils ont beaucoup de retard, notamment si l’on compare avec la Finlande, le cousin du nord qui était pourtant si similaire économiquement il y a à peine 50 ans. Ils décident donc de tout miser (comme le cousin finlandais) sur le numérique (Internet tel qu’on le connait vient de naître) et de se tourner vers l’Europe. Entré dans l’espace Shenghen, dans l’Union et enfin dans l’OTAN en 2004( organisation militaire américaine qui se trouve maintenant en ex-territoire du pacte de Varsovie).
C’est ainsi que pour les 100 ans du pays des estoniens et de la république, l’on est devent un état très intégré en Europe, économiquement prospère et surtout hyper-digital.
Pourquoi l’Estonie ? / Miks Eesti ?
J’ai choisi l’Estonie pour beaucoup de raisons mais j’en citerais 5 principales qui peuvent aussi vous convaincre de venir visiter ou même venir y vivre !
- La première est très personnelle puisque c’est mon amour des paysages enneigés, du froid, de la glace (et des nordiques) qui me pousse depuis tout petit à m’intéresser au pays du nord. A un moment je me voyais faire ma vie en Islande ou en Suèdes. Puis ce fût la Finlande pour au final m’intéresser à l’Estonie. Ce pays à beau être considéré comme un pays balte, je considère que c’est un pays nordique. Habité par des peuplades finnoises, fondé par des danois (Le nom Tallinn veut dire, ville des danois et les armures du pays sont celles du roi du Danemark), administré pendant des siècles par des Teutons et finalement conquis par les Suédois il est selon moi nordique jusque dans les mentalités, et assez différent des lituaniens ou des lettons, avec qui pourtant les estoniens partagent une grande histoire commune.
- Une seconde raison encore très personnelle, celle de son histoire contemporaine au sein de l’Union Soviétique. Ce régime me passionne depuis très longtemps (pas que je suis soviétique hein ;D ), son fonctionnement, son histoire, l’art, le quotidien des gens,… L’Estonie a été occupé pendant près de 50 ans par la puissante URSS, a joué un rôle dans la contre-révolution de 1918–1920 en étant un point d’appui de l’armée blanche. C’est ainsi que c’est un pays assez unique avec les autres pays baltes pour découvrir cette histoire en tant qu’Européen. Tallinn notamment porte dans son architecture, dans son organisation, dans son histoire de nombreux héritages de cette période mais j’aurais l’occasion de revenir dessus. Il est aussi facile de parler avec des personnes âgées pour en savoir plus et comprendre comment était le quotidien en Union soviétique sans avoir à passer par la propagande de la Pravda ou encore les textes des libérateurs de 1990s.
- Dans un tout autre registre une raison importante a mon départ pour l’Estonie est la qualité du système éducatif. J’ai étudié en France la sciences informatique à l’école d’ingénieur INSA donc je voulais trouver une université avec un bon niveau en informatique et des ressources pour mettre en oeuvre mes projets. En Estonie il y a 2 universités reconnues à l’internationale, celle de Tartu (la plus ancienne de la Baltique, fondée en 1632) et celle de Tallinn (qui a connu son essor sous l’occupation soviétique au détriment de Tartu). Mon choix s’est porté sur l’université Tallinna Tehnikaülikool un peu par défaut car il n’existe pas de partenariat avec Tartu (dans mon école).
Le système éducatif dans son ensemble est l’un des meilleur d’Europe avec celui de la Finlande et de la Suèdes si l’on en crois les différents classement. - Bien sûr, en tant qu’étudiant Erasmus, j’ai voulu étudié et avoir un diplôme (parce qu’il faut bien savoir ce nourrir tout seul, cf Manu) mais j’ai aussi voulu découvrir de nouvelles cultures, de nouvelles façon de pensé, de nouvelles choses, et il est vrai, le voyage est particulièrement intéressant pour ces raisons. La position géographique de l’Estonie est un énorme avantage pour ça. Bien sûr de Tallinn, l’on peut découvrir l’Estonie notamment grâce à un réseau ferré peu cher et très efficace (je n’ai jamais eu un retard et les sièges chauffant en hivers sont appréciables). De Tallinn, l’on est aussi à 2h30 de ferry d’Helsinki autre grande capitales du nord (avec des prix très abordables grâce aux offres promotionnelles, à partir de 20€ l’aller-retour), de Stockholm en une nuit de ferry (pareil, assez abordable, une petite centaine d’euro aller-retour), de Riga, très belle ville médiévale que je conseille, par le bus (on peut trouver des offres à 20€ aller-retour), Vilnius et Kaunas en Lituanie mais le bus est vraiment long ! D’Estonie, il est aussi possible d’aller en Russie pas trop difficilement et notamment à St-Petersbourg. Par contre il va falloir faire une demande de visa (~60€ et 1 mois) et s’armer de patience à la frontière pour le passage à la douane. Je conseille très fortement de passer un week-end à St-Petersbourg, ville magnifique et chargée d’histoire !
L’Estonie c’est un peu ce pays qui a été occupé par tout le monde, justement parce qu’il est au carrefour de plein de grande puissance, de culture. Entre les suédois et les Russes en passant par les finnois et les lettons… Pour les passionnés de voyage et de culture, il s’agit définitivement d’un pays “plateforme” super intéressant pour faire de bon “trip” le week-end. - Enfin, le dernier point, c’est la société numérique. La pays est reconnu en Europe et peut-être même dans le monde pour son avance indéniable en matière de société numérique. Il est vrai que la Chine est aujourd’hui aussi très avancé comme société numérique mais pas pour la même raison. La Chine cherche a contrôlé sa population quand l’Estonie cherche la transparence et l’efficacité de l’Etat au service des citoyens.
En tant que passionné de Technologie sous toutes ces formes et de Politique, la promesse d’un Etat plus transparent, plus démocratique, plus efficace au service des citoyens en s’appuyant sur les toutes dernières technologies, ce système m’a tout de suite intrigué et j’ai donc voulu l’expérimenter par moi-même et comprendre comment il fonctionne.
L’E-estonia / e-eesti
L’E-estonia est un vaste plan globale de digitalisation de la société sous tous ces aspects. Il ne s’agit pas seulement d’avoir des cartes d’identités intelligente ou bien d’avoir la possibilité de faire toutes les démarches administrative en ligne, mais d’avoir tout un écosystème qui permet la mise en place de nouveaux services simplement mais SURTOUT de permettre l’interconnexion de ces services pour ne pas compliquer leur utilisation (que ce soit par les fonctionnaires de l’Etat ou par les citoyens) !
En vrac voici quelques services offert par la plateforme e-estonia:
- e-identity, une identité numérique pour la signature de contrat, la connexion de manière sécurisé à de nombreux services
- e-Prescription pour centraliser toutes les prescriptions médicales en ligne, ce qui simplifie le travail des médecins et pharmacien
- KSI blockchain pour la e-Justice et la e-Law
- 99% des démarches administratives disponible en ligne (seul manque le contrat de mariage)
- le e-Voting pour voter en ligne
- e-Tax pour payer ses taxes
- les transports publics
- …
Tout ces services sont interconnectés par un système très ingénieux, mis en place en 2001 et continuement mis à jour depuis nommé X-road. Le nom pourrait faire référence à quelque chose d’obscène mais il n’en ai rien puisqu’il s’agit d’une sorte de “route” numérique sur laquelle circule toutes les données entre les services, entre les acteurs (utilisateurs, gestionnaires),… Ce système est devenu centrale pour l’Estonie puisqu’il permet d’avoir accès à tous les services vu plus haut mais aussi au bus d’indiquer leurs positions, aux centrales électriques d’alimenter correctement le réseau avec des données de consommation en temp-réel,…
Evidemment, ce qui devait arrivé arriva en 2007 lorsque qu’une attaque informatique de grande ampleur atteignit l’Estonie (dont on ne connaît pas la source mais beaucoup d’expert qu’elle viendrait d’un groupe de hacker russe) et mis à mal ce système pendant plusieurs jour au point de paralysé beaucoup de service dont la production d’énergie électrique !
A la suite, le pays a entrepris de renforcer son système contre les attaques en augmentant sa sécurité et sa résilience. Du fait de ce choix purement politique, le pays est devenu un très grand contributeur dans la recherche en sécurité informatique (une des grandes cause de l’informatique pour le XXIeme siècle) malgré sa faible démographie. L’université Taltech possède une filière qui se concentre uniquement sur la sécurité des systèmes d’information et l’OTAN y a même implanté en 2007 un centre de cyberdéfense stratégique opérationnel !
Le petit pays balte est désormais très bien connu par les professionnels du domaine de la sécurité informatique !
Anecdote: Le discours de la présidente estonienne, Kersti Kaljulaid du 24 Janvier sur la société numérique à l’ENA et en français (elle est parfaitement francophone) : https://t.co/0MGTxpdA8I
Mon conseil, si vous êtes étudiant intéressé par la cybersécurité, définitivement apprenez-en plus sur l’Estonie et venez-y étudier !
La ville de Tallinn / Tallinna linn
Après avoir parlé de l’état estonien, attardons-nous un peu sur la ville dans laquelle j’ai passé 90% de mon temps, Reval (pour les teutons et allemands) ou Tallinn (Cité des danois) pour les autres (Attention, il y a bien 2 “l” et 2 “n”, sinon ça ne veut plus dire “la cité des danois”).
Capitale européenne, une ville à taille humaine avec 400.000 habitants et surtout exceptionnelle par son patrimoine et sa diversité architecturale ! La ville est divisée en 6 arrondissements (qui sont les vestiges des villes et village avant la fusion opérée sous l’ère soviétique) et présente 4 styles architecturaux vraiment différents. La vieille ville, classée tout entière au patrimoine mondiale de l’UNESCO est très médiévale et parfaitement conservée. Ensuite, le style russo-suédois avec des maisons en bois et des palaces colorés caractéristiques. Suivent les grandes barres d’immeuble alignés sur de longue et large, semblables à des Kroutchevskas, symbole de l’architecture socialiste qui possède un charme certain. Enfin l’architecture moderne, très design, assez semblable à ce que l’on peut retrouver en Finland à Helsinki.
La vieille ville est absolument magnifique et inspirante pour tout passionné du moyen-âge. Ces remparts, ces tours, ces églises et ces maisons aux allures allemandes sont le symbole d’un passé riche quand la ville était nommée Reval, était administrée par la ligue teutonique germanique puis par la ligue hanséatique. Il y a tellement de choses à y voir et à dessiner. De plus, il n’y a pas encore trop de touriste ce qui évite de ressentir cet effet “ville touristique” que l’on peut ressentir à Paris ou à Stockholm.
La ville suédoise et russe, quartiers de Kalamaja et Kadriorg :
La ville socialiste de béton et d’espace verts (enneigée ici):
La nouvelle ville pour une nouvelle Estonie :
Le quotidien / igapaëvaelu
L’arrivée de Tallinn se fait (en général) par avion même si rien n’empêche d’arriver par ferry ou bien par train depuis la Pologne et les pays baltes.
Lennujaam (l’aéroport de Lennart Meri, premier président estonien après la libération) est un aéroport relativement petit mais très moderne et surtout qui a l’avantage d’être à 15mn du centre-ville, fait assez rare dans les autres capitales européenne. La ligne 4 du tramway vous amène jusqu’à la place de la liberté (vabaduse väljak), place principale de la ville. C’est la première chose qui marque au quotidien, c’est la très bonne desserte par les transports en commun. Tramway, Trolley, bus permettent d’aller n’importe où à Tallinn très efficacement tout le temps (enfin, de 5h du matin à minuit, après il faudrait réfléchir à prendre un taxify).
Pour un français, les trolley bus sont un peu des curiosités en soi. Au dessus de tous les grands boulevards, des câbles électriques sont tendus par des poteaux vieillis datant de l’ère soviétique (d’ailleurs, on trouve exactement les mêmes à St-Petersbourg) et des bus bleus sont raccordés à ces câbles par de longue perche. Ça fait un peu de bruit au passage des carrefours mais la sensation est très agréable à l’intérieur… tout simplement car c’est complètement électrique, donc pas de vrombissement d’un gros moteur diesel !
A l’image du reste de la société estonienne, les transports sont ultra-connectés avec des afficheurs numériques aux arrêts, des écrans pour afficher les prochains arrêts, une application avec leur position en temps-réel. Surtout, fini les tickets papier (en province ça existe encore), même, dite au revoir à votre pass navigo, votre carte d’identité, votre smartphone ou bien votre carte étudiante devient votre titre de transport à valider par simple “appairation” de votre carte avec votre compte tlt (société de transport de la ville).
Un jour viendra l’hivers estonien et les centimètres de neige. Un parisien pourrait avoir peur des retards, des bus annulés dès les premiers flocons… Il n’en ai rien, les gens sont habitués, ainsi, même avec des rues nappés de blanc et de glace, je n’ai jamais eu à déplorer un retard !
Vous êtes arrivé à Tallinn. Un autre grand sujet du quotidien est… la nourriture.
Il est vrai, qu’en tant que français, l’Estonie semble très pauvre en matière gastronomique. La plupart des plats sont soit à base de pomme de terre, soit à base de renne, soit emprunté de l’étranger (poisson finlandais, borsh russe) soit tout en même temps, même s’ils sont très fier de leur pain noir (que je trouve personnellement horrible comparé au pain français). Pourtant, il y a de très bon restaurant et café que j’ai eu plaisir de fréquenter et re-fréquenter au cours de ces mois.
- L’incontournable, le Kompressor, à 2 pas de la place centrale est typiquement le restaurant où j’allais lorsque je n’avait pas d’idée. Ils servent dans un cadre un peu moyen-âgeux des crêpes sucrées/salées très bonnes, copieuses et surtout vraiment pas cher ! En plus la bière et le cidre sont en générale de très bon choix !
- Le brunch, c’est Grenka. Très peu connu, à 15mn du centre-ville, un peu caché au pied d’un immeuble, avec une ambiance très hipster, il s’agit du meilleur endroit pour prendre un excellent petit-déjeuné qui fera office de brunch. Ils ont un porridge (qui change chaque semaine) pour 3€50, des pancakes, des crêpes (avec une confiture aux fruits rouges maison !), le grenka (sorte de plat sur tartine) pour un prix super abordable ! En plus on peut y acheter des gâteaux à emporter pour le 4h ;D
- Manger comme au moyen-âge c’est possible ! Au 3 dragons, dans le bâtiment de l’ancien hôtel de ville, véritable forteresse, l’on s’y croirerait. Tous les employés sont en costume d’époque, l’éclairage est exclusivement à la bougie ce qui donne une couleur très particulière aux yeux de votre invitée, les plats sont simples et d’époque (saucisse, viande séchée, soupe, bol de cidre, tonneau à cornichon) et les employés jouent vraiment le rôle avec des expressions, des blagues relatif au décalage entre vous qui sortez une carte bancaire et elle qui demande 2 pièce d’argent !
- Le Must Puudel est selon moi le meilleur café de la ville avec une ambiance jeune et décontracté appréciable le dimanche après-midi avec un livre
- Chocolatiers français à Tallinn, les 2 établissement.
- Le quartier Teliskivi avec le F-Hoone/Hill Hill bar,… est un quartier un peu “alternatif” avec de très bon restaurants et de très bon bar.
- La valeur sûr pour un café en Estonie, Cafein, le starbuck estonien
Le restaurant ce n’est pas au quotidien (sauf peut-être pour certains trop mauvais en cuisine). En Estonie, il y a aussi des carrefour, leclerc, casino mais ils s’appellent Rimi, Maxima et Prisma.
Ceux sont les 3 grandes enseignes que l’on retrouve partout en Estonie, du petit magasin de quartier au grand Remi du centre Ülemiste. Rimi est le bon rapport diversité/qualité/prix, maxima est moins cher et Prisma moins répandu.
Une différence importante avec la France, les heures d’ouverture. 10h-22h pour la majorité, voir toute la nuit pour certains 7 jours sur 7. Tout est ouvert le dimanche, ce qui rend le retour en France un peu difficile.
A Tallinn, il y a aussi des marchés, comme le Nõmmeturg ou le Baltijaamturg où l’on peut trouver des produits de très bonne qualité (particulièrement du miel, du poisson de la canneberge) qui sont moderne mais… fermés en hivers !
En soirée, l’alcool coule à flot, en particulier dans les pays du nord en hivers. Outre la vodka russe les estoniens ont des bières locales (il est assez difficile de trouver de la heineken ou autre marque internationale), Saku et “A la coq” sont les plus connues (oui, le nom est français mais personne n’a pu me dire pourquoi) et surtout d’excellent cidres qui rivalisent avec nos cidres bretons et normand ! les bretons, je vous conseille de vous intéresser à ce qu’il se fait en Baltique.
Enfin, il y a l’incontournable liqueur de Tallinn, la “Vana Tallinn” qui est en fait un rhum “arrangé” avec beaucoup d’épice ce qui donne un alcool qui ne sent pas l’alcool et très bon en bouche, un vrai danger ! Malheureusement, la vana tallinn ne se trouve qu’en Estonie et en Finlande…
Au quotidien il y aussi le travail. Le salaire moyen à Tallinn est de 1050€ (soit 40% de moins qu’en France) et la plupart des travailleurs sont aujourd’hui dans le tertiaire avec un environnement numérique très développé (énormément de Startup dans le numérique). Je n’étais pas venu pour travailler mais pour étudier ainsi je ne suis pas le mieux placé pour décrire le travail mais l’on peut trouver sur Médium d’autres témoignages de travailleur français en Estonie et un groupe Facebook “on parle français à Tallinn” où l’on peut rencontrer beaucoup de travailleurs français à Tallinn.
Petite anecdote, Le premier jour de mon arrivé en Laponie, la différence de température entre le bus et la tempête de neige qui sévissait à l’extérieur a fait éclater mon verre gauche de lunette percée (j’ai du coup visité la Laponie en décembre avec des lunettes de soleils à ma vue, une première pour un touriste je pense). A Tallinn, j’ai pu faire remplacer ce verre en 4 jours ouvrés pour seulement 56€ sans assurance alors que ce même verre m’a coûté en France 269€…
L’Université TalTech / Tallinna Tehnikaülikool
En Estonie il y a de manière simplifier 2 pôles universitaire. l’historique Tartu, et le nouveau, Tallinn. Tartu est la plus vieille université balte, fondée en 1632 par un roi suédois, elle a toujours été très importante et la ville s’est développée autour de l’université. Aujourd’hui Tartu reste la principale ville universitaire d’Estonie avec 13.000 étudiants pour une ville d’à peine 90.000 habitants.
Tallinn est le nouveau pôle universitaire qui s’est développé depuis la première indépendance et plus encore pendant l’occupation soviétique. Il y a 2 campus. L’université de Tallinn (Tallinna ülikool) qui propose surtout des formations de sciences, en plein centre-ville et dans un vieux bâtiment du XIXe (même si il est très moderne à l’intérieur). J’étais étudiant sur l’autre université, celle de technologie qui a fêté son premier siècle cette année, la Tallinna tehnikaülikool (Université technologique de Tallinn).
Comme son nom l’indique très bien, c’est une université technologique avec beaucoup d’ingénierie, d’informatique et comme son nom ne l’indique moins, du management (avec beaucoup de cours d’e-governance, e-management en lien avec la méthode estonienne). Elle a pris de l’importance d’abord sous l’ère soviétique avec une production en quantité d’ingénieur pour les industries du pays puis à la libération, par la production d’informaticiens pour engager la transformation de la société estonienne en “digital society”.
Aujourd’hui cette université à 100 ans (et a changé de nom pour cette occasion en Taltech, ça claque et on ne le confondrai à peine avec Caltech) et fait vraiment moderne. Mini bus autonome sur le campus, 5G, wifi ultra-rapide, toutes les démarches administrative sur la plateforme web (à laquelle on se connecte avec sa carte d’identité),… Quand on vient d’un campus français à “l’ancienne”, c’est un peu vivre dans le futur (à l’image du reste du pays).
Je suis ingénieur INSA. Mes domaines, la sciences informatique, la sécurité informatique et l’intelligence Artificielle. En fréquentant TalTech, j’ai voulu encore plus m’ouvrir à différents domaines de l’informatique. Robotique, Compilateurs, Contrôle de systèmes dynamiques par intelligence artificielle, nouveau langage (F#, C#). Je ne vais pas détailler sur ce que j’ai appris mais plus sur la forme de ce que j’ai appris.
L’éducation est très différente de ce que l’on a en France (en école d’ingénieur car c’est seulement ce que je connais). Elle ressemble presque parfaitement à une université américaine, avec des cours “à la carte”, un GPA (Moyenne avec une notation de E à A) et beaucoup de projet, la majeure différence étant le prix qui est beaucoup moins élevés (en particulier pour un Erasmus+).
En France, les cours sont “imposés” en fonction de la spécialité, obligatoires (du moins il faut assister au cours) et assez théoriques. On passe en moyenne 33h par semaine à suivre des cours théoriques puis des travaux pratiques, pour au final être évalué quasi-uniquement pendant un examen sur feuille.
En Estonie, les cours sont facultatifs, jamais il n’y a d’appel, de feuille d’émargement. Avec 3h de cours par matière, la charge horaire hebdomadaire est faible (d’autant plus si l’on prend le minimum de cours possible pour valider le semestre, c’est-à-dire 4) en terme de présence dans une salle de cours. Par contre, le travail à la maison est significativement plus important. En effet, les professeurs attendent des étudiants beaucoup de travail personnel sur les travaux pratiques et sur les projets.
Ainsi, il faut compter au moins 1 compte-rendu de TP toutes les 2 semaines et par matière et un projet de groupe en fin de semestre aussi par matière.
Une différence encore assez significative est l’esprit “startup” qui anime les professeurs et étudiants (même si aujourd’hui dans les école d’ingénieurs française et sous l’impulsion du gouvernement, l’entrepreneuriat devient la norme). Cet esprit se ressent dans la volonté de toujours innover avec de nouvelles idées pour les projets et dans l’enthousiasme pour les nouvelles technologies. Cette euphorie pour la e-economie est poussée par l’administration et par le gouvernement.
Anecdote : Skype a été fondé à Tallinn par des anciens étudiants de Taltech, le siège de l’entreprise est encore collé au département d’informatique malgré le rachat par Microsoft.
En conclusion, j’ai appris beaucoup de chose à Taltech, sous une forme vraiment différente à la méthode “française” avec une forme proche des campus américains. Pour autant, je me suis rendu compte que cette méthode permet certes d’être très “pratique” et “pragmatique” sur les projets mais n’apportent pas assez de base théorique pour s’adapter plus efficacement à de nouveaux problèmes, de nouveaux sujets.
L’esprit Estonien / Eesti vaim
Les estoniens sont pétris de cultures très différentes, ça se voit sur bien des aspects. Des scandinavo-finno-balto-russes dira-t-on. Ça fait un mélange de culture très intéressant, des saunas et du bors.
Ils sont très calme et surtout très introverti. Une expression de ma professeure d’estonien est significatif de cela :
“La différence entre un estonien introverti et extraverti c’est que l’introverti va regarder ces chaussures alors que l’extraverti va regarder les vôtres”.
Ce n’est pas pour me déplaire mais c’est très juste. Personne ne viendra vous importuner et c’est mal vu d’importuner.
Autre chose qui peut marquer c’est leur attachement à la liberté et à l’indépendance. Pas la peine d’expliquer pourquoi au vu de leur histoire. D’ailleurs la France est un pays “à la mode” car il s’agirait du pays de la liberté.
Il est vrai que les estoniens sont introvertis mais avec une vana tallinn ou quelques bières, ils deviennent très chaleureux et sympathique !
Une chose qui peut choquer pour un parisien, c’est le respect stricte des règles de la route. Les piétons/voitures ne passent JAMAIS au rouge, même s’il n’y a personne, mais s’ils sont pressés. Tous les véhicules s’arrêtent au passage piéton si quelqu’un attend. Je n’ai jamais vu cette règle transgressée, on peut courir sur la route, la voiture pilera pour nous laisser passer. Au permis de conduire c’est ce qui est appelé “le point de courtoisie” quand en Estonie c’est la règle. Le retour à Paris fût d’autant plus difficile lorsqu’il m’a fallut me réhabituer à risquer ma vie à chaque intersection.
Observations sur la Politique et la géopolitique / poliitiline ja geopoliitiline
Intéressé par la Politique et la géographie, l’Estonie et tout l’environnement balte en général, offre un cadre exceptionnel pour comprendre les liens entre ces deux domaines avec la géopolitique.
On l’a vu plutôt, l’histoire estonienne est marquée de lutte d’influence, de domination, de conflit et finalement d’un goût de l’indépendance et de la liberté que le peuple estonien a su développer !
Les estoniens n’étaient pas un peuple uniforme, dû aux migrations des occupants, suédois, allemands, finlandais, russes,…
La dernière occupation a été, bien sûr, l’occupation soviétique de (pour simplifier) de 1945 à 1990. Cette occupation fût violente sous Staline, quasiment transparente ensuite et compliqué pour finir. Cette occupation a amené avec elle des infrastructures (comme on l’a déjà vu avec l’architecture de Tallinn), des modes de vie mais surtout une langue et des habitants. Des centaines de milliers de soviétique sont venus “coloniser” le pays, c’est la soviétisation.
A la chute de l’empire soviétique, qui n’a absolument pas été soudain en Estonie contrairement à ce que l’on a vu en RDA, que faire de l’héritage qui est notamment une importante population nouvelle russe ?
Entre 1987 avec le début de la révolution chantante et 1994 avec le départ du dernier char russe (avec le 20 Août 1991, la déclaration d’indépendance) beaucoup de russe ont retrouvé la mère patrie mais beaucoup sont restés, l’Estonie étant devenu “leur” mère-patrie, ne connaissant qu’elle (descendant de colons pour beaucoup).
Malheureusement pour ces estoniens de langue et culture russe, la vie d’une minorité n’est jamais très simple, plus particulièrement lorsque cette minorité a été dirigeante oppressive par le passé.
C’est ainsi que depuis les années 90, la minorité russe est reléguée au banc de la société estonienne. Aujourd’hui 1/4 de la population soit 320.000 personnes font partie de cette minorité, pour autant, ils sont très peu présent à la télévision, en Politique, aux postes à responsabilité.
Au sein du système politique estonien, ces russes sont représentés par les parti “social-démocrate” (sotsiaal-demokraatid) d’obédience centre-gauche et le parti du centre “keskerakond”.
La constitution estonienne reconnaît peu voir pas ses minorités (spécifiquement russes), en particulier leur langue.
On pourrait très bien imaginé que ces russes retournent “au pays”, or il n’en ai rien car finalement, ils sont les descendants des colons et n’ont connus que l’Estonie comme pays. Ce pays est donc aussi le leur, la Russie n’est plus leur mère patrie…
De par sa situation géographique, son histoire, et sa démographie, les estoniens sont très méfiants du géant oriental. De tout temps, la peur de la Russie a été répandu autour de la Baltique. Après une phases de détente dû à l’affaiblissement de la fédération de Russie à la suite de la chute de l’URSS, Poutine et les nationalistes au pouvoir ont retendu la situation dans la Baltique.
La Russie n’est bien sûr pas la seule responsable de cette monté en tension, les décisions politiques de l’Estonie n’ont pas aidé à la détente. Tout d’abord, l’adhésion à l’Europe, l’Euro et l’OTAN au milieu des années 2000 a été très mal vécue par l’ancienne puissance tutélaire puis le traitement de la minorité russe notamment à Narva.
En réponse à cela, la Russie a augmenté le prix des carburants et du gaz et surtout ont stationné 2 corps d’armée à la frontière.
En 2007, la plus grande attaque informatique contre un état a paralysé l’Estonie et tous ces services pendant plusieurs jours. Cette attaque n’a à ce jour pas été revendiqué, mais de nombreux expert en sécurité informatique s’accordent à dire que les hackers étaient Russe, à savoir s’ils ont un lien avec le gouvernement et/ou avec la mafia russe.
Anecdote : J’ai bien sûr visiter quelques villes d’Estonie, mais la visite qui m’a le plus marqué est celle de la ville de Narva.
Cette ville a une histoire très intéressante sur bien des points. Il y a une magnifique forteresse médiévale et une très belle plage non-loin sur la Baltique, mais le plus intéressant est sa situation géographique et sa démographie.
la ville de Narva historique (les 2 forteresses de part et d’autre d’un fleuve) est aujourd’hui divisée en 2 entre l’Estonie et la Russie. Seul un pont avec une longue file de voiture en attente de la douane relie les 2 bords. De part cette proximité avec le Russie et l’histoire de la ville (Narva a été conquise par l’armée estonienne de libération en 1919), 90% de la population parle russe, pire, une majorité ne parle pas estonien. De plus les librairie vendent principalement des livres en russe, et plusieurs fois je n’ai pas pu parler en estonien car mon interlocuteur ne parlait que le russe.
Une vrai ville Russe en Estonie, à la différence que cette ville est la 3ème plus grande du pays, il ne s’agit pas d’une bourgade comme les autres !
Je suis aussi intéressé par la Politique et non seulement celle de mon pays. L’Estonie est un régime parlementaire.
C’est à dire que certes il y a un président (en l’occurence une présidente, Kersti Kaljulaid) mais le pouvoir réel est détenu par le premier ministre et le chambre des députés. Ils sont 101 et élus à la proportionnelle.
Cette première république estonienne ressemble beaucoup à la 3eme république Française dans son fonctionnement. Le pays est dirigé depuis l’indépendance par 2 partis, le parti de la réforme et le parti du centre. Si l’on choisi de regarder les partis représentés au parlement (riigikogu), nous avons de gauche à droite:
- Sotsiaaldemokraatlik : parti social-démocrate, correspond au PS français
- Keskerakond : parti centriste, social-libéral, ressemble beaucoup au parti radical français et est avec le parti social-démocrate les 2 seuls défenseurs de la minorité russe
- Reformierakond : parti de la reforme, En marche version estonienne
- Isamaa : mon pays est un parti de centre-droit proche de l’UDI français — Vabaerakond : parti libre, autre parti de centre droit
- EKRE : parti conservateur qui est un parti de droite qui depuis quelques mois se radicalise à l’approche des élections européennes avec un euroscepticisme affiché. Son slogan “Eesti eest”, Estonie estonienne donne le ton.
Les élections européennes approchent, le pays enverra 7 eurodéputés et une tendance est clair, EKRE sera 2nd ou 3eme parti, ce qui serait une première !
Conclusion
- la e-society, ça fonctionne !
- l’enseignement est de qualité
- Tallinn est une magnifique ville médiévale
- l’Estonien est une langue magnifique
- La vie est moins chère
- La cadre de vie a Tallinn est exceptionnel, mer, forêt, ville à taille humaine
- L’impression de vivre dans le futur
- Débit et couverture internet exceptionnel (pays test de la 5G)
- Taxify (entreprise estonienne) très abordable pour les transports en VTC
- Les transports gratuits en ville !
- Service médicale de qualité
- Statut de e-resident et la carte d’identité sont des super inventions
- Les estoniens ont un anglais excellent
- Le climat est parfait pour les amoureux de la nuit et de la neige
- L’utilisation de l’euro et de la carte sans-contact partout est un gros atout pour un européen
- La qualité de l’air est exceptionnelle
- Il est facile de découvrir plusieurs pays depuis Tallinn
Epilogue / järelsõna
Merci d’avoir lu, j’ai écris ce post uniquement dans la perspective de partager un point de vue, une expérience sans pour autant en faire un travail documentaire ou journalistique.
Il y a donc des inexactitudes, des points de vue subjectifs et je serais ravi d’en discuter en commentaire.
Un post sur les élections en Estonie (Legislative et Europénne) et sur la langue viendront.
lõpp.
— FRJdM